« J’ai redécouvert un poster des Clash qui était dans ma chambre depuis l’âge de 9 ans. » Les lunettes pour daltoniens ont changé la vie de Romain Pavoine. Du moins, sa perception des couleurs. À 27 ans, ce musicien rennais (bassiste des ex-Superets et de Mary Céleste), étudiant en sciences politiques, est daltonien. Distinguer les couleurs lui est impossible depuis toujours, et il ne pourra jamais être pilote d’avion ou policier. Mais peu importe.

Depuis deux ans, le jeune homme chérit les lunettes que ses amis lui ont offertes pour son anniversaire. « Ce soir-là, ils avaient recouvert les murs de tentures rouges et vertes. Ils étaient habillés de ces mêmes couleurs. Je n’y avais pas prêté attention, puisque ce sont des teintes que je distingue mal. Jusqu’à ce qu’ils m’offrent ces lunettes spéciales daltoniens. Je me suis rendu compte à quel point ils étaient mal vêtus », plaisante-t-il.

Une grande première pour Romain. Jusque-là, il ne savait pas ce qu’était un arc-en-ciel ou une peinture telle qu’imaginée par l’artiste. « Avec ces lunettes, la campagne chez mes parents n’est plus la même. J’ai revu des films d’une autre façon », détaille-t-il.

Le Stade Rennais autrement

Autre grand moment pour ce fan de foot : un match du stade rennais au Roazhon Park. « J’ai enfin pu apprécier la couleur réelle des maillots des joueurs. Sans mes lunettes, je distingue mal le vert du rouge. La couleur des maillots peut se confondre avec celle de la pelouse. Enfant, je jouais au foot et cela m’a posé quelques problèmes. »

Fabriquées aux États-Unis par la société EnChroma, les lunettes permettent aux personnes atteintes de daltonisme de percevoir toutes les couleurs. « Elles sont plus lumineuses, plus vives et saturées. »

 

(Illustration : Enchroma)

 

Depuis deux ans, Romain n’en finit pas de s’émerveiller devant des séries comme Twin Peaks, ou des films comme ceux de John Carpenter. Il voit son quotidien, son intérieur d’un autre œil. « Ma vie n’a pas changé mais ça me donne un nouveau plaisir à beaucoup de choses. »

Avec parcimonie

Pour autant, il n’utilise ses lunettes qu’avec parcimonie. « Je choisis le moment où je les mets et il est déconseillé de les porter en permanence. Cela sursollicite le cerveau et provoque des maux de tête. Je n’ai jamais souffert d’être daltonien. Je vois d’une certaine façon depuis la naissance et ce n’est pas un problème. »

Le daltonisme est une mutation héréditaire portée par le chromosome X, qui touche principalement les hommes. En Europe et aux États-Unis, 8 % de la population masculine est atteinte, contre 0,45 % des femmes. Disponibles sur internet, les lunettes aux verres fumés coûtent environ 400 dollars (340 €).

Ouest France - L'édition du soir

Vendredi 6 Octobre 2017